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lundi 27 mars 2017

Enquête sur les catholiques : "les conciliaires"

Dans l'enquête "Qui sont vraiment les catholiques" (lien), voici le troisième profil, "les conciliaires".
Sur la-croix.com


Pour eux, Jésus est : celui qui témoigne de la miséricorde de Dieu en brisant les frontières de l’exclusion.

Être catholique, c’est : rompre avec la logique exclus /ayants droit ; la transcendance se découvre, pour eux, dans la communion avec tous les hommes.

Leur spiritualité : rappeler à tous les hommes leur commune dignité d’enfants de Dieu (avec une méfiance à l’égard d’une « Église des purs »). S’ils avaient à choisir un passage de l’Évangile, ce serait le pardon à la femme adultère, la rencontre avec la Samaritaine ou avec Zachée. Ils sont hostiles à la messe en latin.

Leur pratique : messe, pèlerinage (à Lourdes plus qu’à Paray-le-Monial), chapelet… Ils figurent, avec les observants, parmi les plus zélés.

Leur lieu : la paroisse ; les structures diocésaines dans lesquelles ils sont omniprésents ; les mouvements comme le ­Secours catholique… Ils sont engagés dans tous les domaines, du caritatif à la défense de la famille.

Leur sociologie : ce groupe est assez hétérogène.

Leurs figures de référence : Sœur Emmanuelle, l’abbé Pierre, Guy Gilbert, le jésuite Joseph Moingt…

Leur vote : ce sont ceux qui se positionnent le plus à gauche (plus d’un tiers), mais on les trouve aussi au centre droit et à droite. Ils sont majoritairement opposés au Front national.
Ce sont les plus fervents admirateurs du pape François. Ils sont assez proches de « La manif pour tous » et majoritairement favorables à l’accueil des migrants.


Engagé, Hervé Dagommer l’est sans aucun doute. Marié « avec une sainte », père de quatre enfants – dont un seul pratique – et grand-père de dix petits enfants, il a toujours pris des responsabilités dans sa paroisse. Tout en travaillant comme associé dans une société informatique, il a géré pendant vingt ans la préparation des baptêmes dans sa paroisse de Rueil (Hauts-de-Seine). Depuis sa retraite, le rythme n’a fait qu’accélérer : économe de la paroisse, il fait partie aussi de la chorale et de l’équipe d’accompagnement des familles en deuil. Pour mieux « transmettre la foi de l’Église », qui est aussi la sienne, Hervé Dagommer, qui « pèlerine peu », a « du mal à prier » mais se rend à la messe « au moins deux ou trois fois par semaine », a suivi pendant sept ans et avec succès le cycle C de l’Institut catholique de Paris pour se former en théologie. « Parce qu’ils sont dans l’épreuve, les gens que je rencontre en préparant les funérailles sont à l’écoute. Implicitement, ils me demandent à quoi je crois ». Avec eux, Hervé Dagommer aime revenir à l’essentiel : non pas seulement « un humanisme vague » mais cette foi en Dieu qui lui donne « une espérance ».
Lui qui n’a jamais voté à gauche mais plutôt au « centre droit », était de la première « manif pour tous », mais a considéré ensuite que « l’Église se trompait de combat ». Il estime que le pape François, lui, a « vraiment compris les enjeux actuels » pour l’Église : ne pas se concevoir comme une « Église de purs » – une tendance qu’il décèle chez les quadragénaires de sa paroisse – mais sortir « pour annoncer la bonne nouvelle ». Et rappeler à la société son rôle d’accueil. À la fin des années 1970, il a rénové une maison pour des boat people vietnamiens. L’an dernier, il a eu « honte » que la France n’ait pas accueilli plus de réfugiés.

Anne-Bénédicte Hoffner






lundi 20 mars 2017

Enquête sur les catholiques : "les observants"

Dans l'enquête "Qui sont vraiment les catholiques" (lien), voici le second profil, "les observants".
Sur la-croix.com


Pour eux, Jésus est : le fils de Dieu, mort sur la croix pour le salut des hommes.

Être catholique, c’est : rechercher la sainteté afin d’être digne de ce salut.

Leur spiritualité : pour eux, l’accès à Dieu suppose une certaine ascèse et une mise à distance du monde. Ils sont attachés à la beauté de la liturgie et à la messe en latin.

Leur pratique : messe (ce sont eux qui y assistent le plus), pèlerinage, chapelet, adoration du Saint-Sacrement…

Leur lieu : la paroisse, choisie en raison de leurs affinités.

Leur sociologie : le noyau dur appartient à une bourgeoisie de style de vie (et non de niveau de vie) : prière en famille, scolarité privée, scoutisme (Europe, SUF)… Ils ont souvent été en contact avec des communautés nouvelles (soit traditionalistes, comme la Fraternité Saint-Pierre, soit néoclassiques, telles les communautés Saint-Jean ou Saint-Martin, soit charismatiques). Ils se pensent comme une minorité investie de valeurs universelles, y compris au sein de l’Église dont ils dénoncent les dérives des années 1970, sans pour autant être hostiles au concile Vatican II… Ils se donnent pour mission de restaurer la vérité du catholicisme.

Leurs figures de référence : Fabrice Hadjadj, François-Xavier Bellamy, Jean-Paul II, Benoît XVI…

Leur vote : surtout à droite.
Très proches de « La manif pour tous » (seul groupe où la mobilisation a été majoritaire) et « pro-life », ils se sentent porteurs du modèle de la famille catholique. Ils sont une majorité à se défier des migrants (et de l’islam dans une moindre mesure) et critiquent beaucoup le pape François.


Être désigné comme un catholique observant, Henri de Fraguier l’accepte bien volontiers. Et pour cause : élevé dans l’Ouest parisien, passé par toutes les étapes du scoutisme, de louveteau à chef de troupe (chez les Scouts Europe), cet aîné d’une famille catholique va à la messe tous les dimanches (en français, mais il apprécie aussi le latin), parfois en semaine quand il a du temps. Très marqué par Benoît XVI, il a participé aux JMJ de Madrid en 2011, et organisé la logistique de son groupe à Cracovie, l’été dernier.
Pour lui, la foi, c’est « croire en un Dieu qui nous a créés pour être en relation avec lui, chercher à vivre cette relation et tendre vers la sainteté ». C’est ce qu’il explique aux élèves de seconde à qui il donne un cours de caté chaque semaine dans le 18e arrondissement à Paris, un engagement proposé par le parcours Even qu’il a suivi pendant quatre ans pour consolider sa propre foi. « Ceux qui suivent mes cours ne sont pas forcément cathos. Ces jeunes se posent plein de questions auxquelles les médias et l’école ne répondent pas », confie-t-il, heureux de se confronter à cette réalité bien différente du milieu dans lequel il évolue traditionnellement.
Attaché à la protection de la vie « de ses débuts à sa fin », ainsi qu’aux valeurs familiales, Henri s’est engagé dans « La manif pour tous » dès 2013 et, depuis, en recrute les volontaires. Passionné par les questions politiques, l’étudiant en master 2 d’affaires publiques est sensible à la question de l’identité et au respect des valeurs chrétiennes, cite le pape François lorsqu’il invite à une certaine prudence dans l’accueil des migrants et ne cache pas une sensibilité politique de droite.

Céline Hoyeau









lundi 13 mars 2017

Enquête sur les catholiques : "les émancipés"

Dans l'enquête présentée lors de notre précédent article "Qui sont vraiment les catholiques", ceux-ci sont regroupés en six profils typiques. Aujourd’hui nous vous présentons le premier profil, "les émancipés".
Sur la-croix.com



Pour eux, Jésus est : celui qui libère l’homme de ce qui lui fait perdre sa dignité, qui invite les hommes à assumer leur liberté dans le service du prochain.

Être catholique, c’est : être pleinement responsable de sa vie, conscient des conséquences collectives de ses actes.

Leur spiritualité : passe avant tout par un engagement dans les luttes sociales et politiques contre les injustices.

Leur pratique : une lecture personnelle de l’Évangile ou des temps de partage biblique ; des retraites à Taizé… Ils ont peu de goût pour la messe dominicale qu’ils jugent déconnectée de la culture contemporaine. Comme les conciliaires, ils rejettent massivement la messe en latin.

Leur lieu : forte propension à des engagements non religieux, dans des associations humanitaires ou de défense de l’environnement. On les trouve aussi dans les mouvements d’Action catholique, chez les Scouts et Guides de France, au CCFD, au Secours catholique…

Leur sociologie : communément appelés « cathos de gauche », ils regrettent que l’Église se confonde trop souvent avec une classe bourgeoise et se focalise sur la morale sexuelle. On trouve toutes les classes d’âge dans ce groupe.

Leurs figures de référence : Guy Aurenche, François Soulage, Pierre Rabhi…

Leur vote : centre droit ou PS.
Ils se défient du pape François qu’ils trouvent trop timoré dans ses réformes. Ils se démarquent de « La manif pour tous ». Curieusement, ce sont aussi les plus hostiles aux migrants, les assimilant sans doute aux musulmans qui, à leurs yeux, menacent l’émancipation des femmes et la liberté des homosexuels.


« Pour moi, la vocation du chrétien n’est pas de passer une heure par semaine dans une église. » Pourtant, François Mandil a tout à fait le sentiment d’être un catholique pratiquant. Mais autrement. « Je vis des expériences de transcendance bien plus fortes avec les pieds dans l’herbe et en regardant le ciel étoilé », résume cet amoureux du scoutisme et de la nature.
Délégué national à la communication des Scouts et Guides de France, ancien militant écologiste adepte des actions coups-de-poing pas toujours légales, il le dit sans ambiguïté : « Le premier moteur de tous mes engagements, c’est que je suis catho. » Il raconte volontiers ses deux jours de retraite chez des clarisses avant son premier fauchage d’OGM.
Incapable de prier dans une «célébration classique », « très mal à l’aise lorsque des gens se mettent à genoux », François Mandil en convient : « C’est une question de sensibilité personnelle. Je ne veux pas faire de procès car j’ai trop souffert moi-même d’être traité de mauvais catholique », assure-t-il, allusion au « mariage pour tous », auquel il était favorable. Cet altermondialiste résolu se trouve même des points communs avec les cathos décroissants de la revue Limite, pourtant conservateurs sur les sujets de société.
Pour autant, celui qui relit régulièrement le Sermon sur la montagne continue de préférer vivre sa foi en dehors des chemins balisés. « J’ai davantage eu le sentiment de rencontrer le Christ dans des cercles de silence (groupes de soutien aux sans-papiers, NDLR) que dans une messe dominicale dont je cherche parfois le sens. »

Gauthier Vaillant













lundi 6 mars 2017

Enquête : qui sont vraiment les catholiques?

Le quotidien "La Croix" nous autorise à reprendre un article paru dans son édition du 12 janvier 2017 et commentant les résultats d'une enquête sociologique sur les catholiques. Il devrait pouvoir alimenter la réflexion de nos équipes. Nous le publions en plusieurs étapes.

Une vaste étude sociologique commandée par le groupe Bayard et publiée conjointement par La Croix et Pèlerin, présente sous un jour inédit la composition du catholicisme français. Les deux auteurs ont distingué six profils types, qui sont autant d’outils pour essayer de comprendre les logiques à l’œuvre dans un monde catholique plus divers qu’il n’y paraît.

Que représentent les catholiques en France ? Les 5 % de la population qui, selon les sondages, vont à la messe régulièrement, ou les 53 % qui se disent catholiques ? C’est un autre nombre que fait apparaître la vaste enquête confiée par le groupe Bayard à l’institut de sondage ­Ipsos sous la houlette de deux sociologues, Philippe Cibois et Yann Raison du Cleuziou : la France compte 23 % de catholiques « engagés », c’est-à-dire qui se sentent rattachés à la vie de l’Église par leurs dons, leur vie familiale, leurs engagements.

L’étude sort ainsi de la distinction habituelle entre pratiquants et non-pratiquants et intègre ceux qui n’assistent pas à la messe régulièrement « mais qui se considèrent quand même comme catholiques parce qu’ils vivent leur foi autrement », notent les auteurs. Cette étude donne ainsi, pour la première fois, une idée de l’influence réelle de l’Église dans la société, et propose une approche nouvelle du sujet, en définissant six « familles » de catholiques (voir p. 3 à 5). Elle permet aussi de sortir d’une vision schématique selon laquelle des catholiques « identitaires », votant Fillon et défendant les crèches, s’opposent à des « cathos de gauche » ouverts mais vieillissants.

Pour mieux rendre compte d’une réalité bien plus complexe et nuancée, Yann Raison du Cleuziou et Philippe Cibois ne font pas disparaître le critère de la pratique religieuse, mais ils l’enrichissent considérablement. Depuis les années 1930, les catholiques sont repérés, classifiés, étudiés en fonction de leur participation ou non à la messe dominicale. Aujourd’hui, ce critère ne suffit plus à rendre compte du rapport des Français à l’Église. C’est d’ailleurs l’un des grands enseignements de l’enquête, que Yann Raison du Cleuziou résume ainsi : « Le catholicisme français est devenu une réalité festive. » Autrement dit, la pratique de l’immense majorité des catholiques français se limite aux événements de la vie (baptême, mariages, décès) et aux grandes fêtes. Quant aux pratiquants hebdomadaires, ils représentent… 1,8 % de la population française.

Trois « familles » se distinguent par leur assiduité à la messe dominicale : les « conciliaires », les « observants » et les « inspirés ». Trois catégories, qui ont aussi en commun la multiplicité de leurs activités religieuses : prier le chapelet, faire des pèlerinages, soutenir des associations, lire la presse confessionnelle… « Plus un catholique va à la messe, plus il multiplie les engagements », affirme Yann Raison du Cleuziou. Toutefois, tous privilégient des dévotions individuelles (prier chez soi, allumer un cierge dans une église…), relève le sociologue. Quant aux catholiques peu pratiquants, il souligne également, brisant une autre idée très répandue dans les paroisses, qu’« ils ne sont pas demandeurs de participer davantage », notamment à la messe.

L’enquête Ipsos dessine ainsi un monde catholique en forme de pyramide : à la base, une immense majorité de faibles pratiquants ; au sommet, une fine pointe de pratiquants « zélés » et multi-engagés. Mais ces derniers, si minoritaires soient-ils, ne sont pas homogènes. Ce qui les distingue ? Une forme de hiérarchie des valeurs, qui sépare ceux qui se situent du côté de « l’hospitalité » et ceux qui donnent la priorité à la « sécurité ». La question de l’accueil des migrants est au centre de cette distinction : les premiers y sont généralement favorables, et sont souvent des admirateurs du pape François ; les seconds défendent plutôt le catholicisme comme élément constitutif d’une identité, et perçoivent parfois, de ce point de vue, les migrants comme une menace. La question du vote reste très nuancée dans toutes les catégories, même si on observe des dominantes attendues (les « conciliaires» et les « saisonniers fraternels » votent plus souvent à gauche ou au centre droit ; les « observants » et les « inspirés » à droite).

De manière générale, les clés de compréhension qu’offre cette typologie des six familles de catholiques engagés mettent en évidence la très grande diversité des opinions et des pratiques des catholiques français, et invitent à la prudence face à la tentation de les considérer comme un groupe homogène. Ainsi de « La manif pour tous », dont certains ont pu penser qu’elle avait rassemblé la majorité des catholiques français. L’étude montre au contraire que seuls 6 % d’entre eux ont participé aux grandes manifestations contre le mariage homosexuel, quand 73 % n’ont pas souhaité y prendre part.

Anne-Bénédicte Hoffner et Gauthier Vaillant


Repères : la méthodologie de l’enquête


Pour réaliser l’enquête « chrétiens engagés », l’institut Ipsos a extrait d’un échantillon représentatif de la population métropolitaine âgée de 18 ans et plus de 28 204 personnes, une sous-population de 15 174 personnes se désignant comme catholiques (pratiquantes ou non). Elles représentent 53,8 % de la population. Ce groupe se subdivise en fonction du rapport à la pratique de la messe.
Parmi eux, il a pu être constitué un nouvel échantillon (1 007 enquêtés) représentatif des catholiques considérés comme des « catholiques engagés », c’est-à-dire : les catholiques pratiquants (hebdomadaire, quelques fois par mois, grands rassemblements, grandes fêtes religieuses), qu’ils se déclarent « engagés » ou non ; les catholiques non-pratiquants qui se déclarent « engagés ».
L’enquête a été réalisée en juin 2016 par la méthode des quotas. La marge d’erreur pour un pourcentage donné dépend de la taille du sous-échantillon traité. Pour une population de 1 000 la marge d’erreur est environ de 3 % : elle peut être de 5 % pour une population de 500 et de 7 % pour une population de 200.