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samedi 2 décembre 2017

Homélie St Eloi 2017

Cette homélie proposée par Joël s'appuie sur le travail préparatoire réalisé avec un petit groupe d'agriculteurs et présenté dans notre précédent article. 


Au moment où vous, agriculteurs (et artisans), vous vous présentez devant le Seigneur, c’est avec le paquet de tous les défis que vous vivez : défis de toute nature, économiques, sociaux et politiques : recherche d’un revenu décent et d’un travail épanouissant, relations avec les autres acteurs de l’agro-alimentaire, pression sur les questions environnementales, exigences administratives de l’État…

C’est difficile de les laisser à la porte de l’Église car, venant remercier le Seigneur du don qu’il nous a fait de la Création, nous savons que ces défis sont au cœur de cette mission confiée d’être des gérants de ce don que le Créateur nous a fait : nourrir les êtres humains, vivre ensemble en harmonie et construire la communauté humaine, mettre en valeur la création.

Les valeurs de l’Evangile doivent rester bien vivantes en nous pour que les décisions et les orientations à prendre soient conformes à ce que le Seigneur attend de nous : respect de tout être humain et spécialement des plus fragiles, souci de la construction de la communauté humaine au travers de la recherche du Bien commun, de la justice et de la solidarité. Sans cesse des situations nouvelles, de nouvelles connaissances nous obligent à repenser la manière dont ces valeurs doivent guider notre action.

Ce qui menace notre monde est un individualisme négatif qui ne prend aucun soin des plus fragiles, du lien social et du bien commun de notre société alors que « tous, nous sommes responsables de tous » selon l’expression du pape Jean-Paul II. L’épisode de la guérison du sourd-muet par Jésus peut éclairer le chemin à prendre pour résister à ce qui menace notre humanité. Le danger est de ne plus être capable d’écouter, de ne plus juger utile de parler alors qu’il nous faut être capable d’entendre et de prendre la parole.

Cette surdité et ce mutisme touchent particulièrement ceux qui connaissent des difficultés et dont la vie familiale et personnelle est menacée : face à une situation très difficile, ils n’entendent plus, ils ne parlent plus et peu à peu ils s’enferment incapables de faire face à cette situation. La trappe se referme peu à peu et la solitude gagne. Face à ces situations, il est d’autant plus urgent qu’ils puissent rencontrer quelqu’un qui les écoute et leur parle. C’est difficile mais il ne faut surtout ne pas se détourner ou rester indifférent par facilité. 

Mais c’est sans doute plus globalement qu’il nous faut réapprendre à écouter, à s’écouter, à parler, à se parler. L’individualisme qui équipe d’œillères peut quelquefois conduire à l’autisme. Le refus de l’autre, de ses convictions et choix différent se mue en agressivité et en colère. Pour que notre parole soit juste, il faut que notre écoute soir réelle. Dans ce monde complexe, il est si facile de simplifier, de penser en noir et blanc. « Trois minutes pour comprendre » : tel est le slogan d’une radio ; qu’est-ce qui peut être compris en trois minutes ?

L’Espérance est un autre fondamental de l’Evangile ; aujourd’hui c’est de ne jamais se décourager d’écouter et de parler. Il y faut de la sagesse et du courage pour entendre et dialoguer dans la diversité et la complexité de notre monde. Le chrétien est un homme de communion, de rencontre, voire de réconciliation.


Partager, s’écouter, se parler, n’est-ce pas le cœur de l’Eucharistie que nous célébrons. Comme nous l’entendions dans la première lecture, nous avons certainement besoin du Christ et de sa force pour rester dans le monde d’aujourd’hui des gens persuadés qu’il est important de perdre du temps à parler à son voisin, qu’il faut rester ouvert sur le monde afin de découvrir la diversité et la richesse des autres. Il est peut-être difficile de s’asseoir autour d’une table pour envisager ensemble une situation et réfléchir à une solution partagée mais c’est ce que le Seigneur a voulu faire en partageant notre humanité, en s’asseyant pour un repas avec des apôtres dont il ne connaissait que trop les limites.