Le quotidien "La Croix" nous autorise à reprendre un article paru dans son édition du 12 janvier 2017 et commentant les résultats d'une enquête sociologique sur les catholiques. Il devrait pouvoir alimenter la réflexion de nos équipes. Nous le publions en plusieurs étapes.
Sur la-croix.com
Une vaste étude sociologique
commandée par le groupe Bayard et publiée conjointement par La Croix et Pèlerin,
présente sous un jour inédit la composition du catholicisme français. Les deux
auteurs ont distingué six profils types, qui sont autant d’outils pour essayer
de comprendre les logiques à l’œuvre dans un monde catholique plus divers qu’il
n’y paraît.
Que représentent les catholiques en
France ? Les 5 % de la population qui, selon les sondages, vont à la messe
régulièrement, ou les 53 % qui se disent catholiques ? C’est un autre
nombre que fait apparaître la vaste enquête confiée par le groupe Bayard à
l’institut de sondage Ipsos sous la houlette de deux sociologues, Philippe
Cibois et Yann Raison du Cleuziou : la France compte 23 % de catholiques
« engagés », c’est-à-dire qui se sentent rattachés à la vie de
l’Église par leurs dons, leur vie familiale, leurs engagements.
L’étude
sort ainsi de la distinction habituelle entre pratiquants et non-pratiquants et
intègre ceux qui n’assistent pas à la messe régulièrement « mais qui se considèrent quand
même comme catholiques parce qu’ils vivent leur foi autrement »,
notent les auteurs. Cette étude donne ainsi, pour la première fois, une idée de
l’influence réelle de l’Église dans la société, et propose une approche
nouvelle du sujet, en définissant six « familles » de catholiques (voir p. 3 à 5).
Elle permet aussi de sortir d’une vision schématique selon laquelle des
catholiques « identitaires », votant Fillon et défendant les crèches,
s’opposent à des « cathos de gauche » ouverts mais vieillissants.
Pour
mieux rendre compte d’une réalité bien plus complexe et nuancée, Yann Raison du
Cleuziou et Philippe Cibois ne font pas disparaître le critère de la pratique
religieuse, mais ils l’enrichissent considérablement. Depuis les années 1930,
les catholiques sont repérés, classifiés, étudiés en fonction de leur participation
ou non à la messe dominicale. Aujourd’hui, ce critère ne suffit plus à rendre
compte du rapport des Français à l’Église. C’est d’ailleurs l’un des grands
enseignements de l’enquête, que Yann Raison du Cleuziou résume ainsi : « Le catholicisme français est
devenu une réalité festive. » Autrement dit, la pratique de
l’immense majorité des catholiques français se limite aux événements de la vie
(baptême, mariages, décès) et aux grandes fêtes. Quant aux pratiquants
hebdomadaires, ils représentent… 1,8 % de la population française.
Trois
« familles » se distinguent par leur assiduité à la messe
dominicale : les « conciliaires », les « observants » et
les « inspirés ». Trois catégories, qui ont aussi en commun la
multiplicité de leurs activités religieuses : prier le chapelet, faire des
pèlerinages, soutenir des associations, lire la presse confessionnelle… « Plus un catholique va à la
messe, plus il multiplie les engagements », affirme Yann
Raison du Cleuziou. Toutefois, tous privilégient des dévotions individuelles
(prier chez soi, allumer un cierge dans une église…), relève le sociologue.
Quant aux catholiques peu pratiquants, il souligne également, brisant une autre
idée très répandue dans les paroisses, qu’« ils
ne sont pas demandeurs de participer davantage », notamment à
la messe.
L’enquête
Ipsos dessine ainsi un monde catholique en forme de pyramide : à la base, une
immense majorité de faibles pratiquants ; au sommet, une fine pointe de
pratiquants « zélés » et multi-engagés. Mais ces derniers, si minoritaires
soient-ils, ne sont pas homogènes. Ce qui les distingue ? Une forme de
hiérarchie des valeurs, qui sépare ceux qui se situent du côté de
« l’hospitalité » et ceux qui donnent la priorité à la
« sécurité ». La question de l’accueil des migrants est au centre de
cette distinction : les premiers y sont généralement favorables, et sont
souvent des admirateurs du pape François ; les seconds défendent plutôt le
catholicisme comme élément constitutif d’une identité, et perçoivent parfois,
de ce point de vue, les migrants comme une menace. La question du vote reste
très nuancée dans toutes les catégories, même si on observe des dominantes
attendues (les « conciliaires» et les « saisonniers fraternels »
votent plus souvent à gauche ou au centre droit ; les « observants »
et les « inspirés » à droite).
De
manière générale, les clés de compréhension qu’offre cette typologie des six
familles de catholiques engagés mettent en évidence la très grande diversité
des opinions et des pratiques des catholiques français, et invitent à la
prudence face à la tentation de les considérer comme un groupe homogène. Ainsi
de « La manif pour tous », dont certains ont pu penser qu’elle avait
rassemblé la majorité des catholiques français. L’étude montre au contraire que
seuls 6 % d’entre eux ont participé aux grandes manifestations contre le
mariage homosexuel, quand 73 % n’ont pas souhaité y prendre part.
Anne-Bénédicte Hoffner et Gauthier Vaillant
Repères : la méthodologie de l’enquête
Pour
réaliser l’enquête « chrétiens engagés », l’institut Ipsos a extrait
d’un échantillon représentatif de la population métropolitaine âgée de
18 ans et plus de 28 204 personnes, une sous-population de
15 174 personnes se désignant comme catholiques (pratiquantes ou non).
Elles représentent 53,8 % de la population. Ce groupe se subdivise en
fonction du rapport à la pratique de la messe.
Parmi
eux, il a pu être constitué un nouvel échantillon (1 007 enquêtés)
représentatif des catholiques considérés comme des « catholiques
engagés », c’est-à-dire : les catholiques pratiquants (hebdomadaire,
quelques fois par mois, grands rassemblements, grandes fêtes religieuses),
qu’ils se déclarent « engagés » ou non ; les catholiques
non-pratiquants qui se déclarent « engagés ».
L’enquête
a été réalisée en juin 2016 par la méthode des quotas. La marge d’erreur
pour un pourcentage donné dépend de la taille du sous-échantillon traité. Pour
une population de 1 000 la marge d’erreur est environ de 3 % : elle peut
être de 5 % pour une population de 500 et de 7 % pour une population
de 200.
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